LA PREMIERE ETAPE DES TRAVAUX AVEC HENRI IV, SULLY ET COSNIER
Pour la construction du canal de la Loire à la Seine, le roi et Sully décidèrent de mettre les travaux en adjudication dès le mois de
décembre 1603. Selon le rite traditionnel, les chandelles furent allumées et le canal de Loire en Seine connut le feu des enchères. Finalement Cosnier l’emporta sur une dernière offre de 505 000 livres.
Hugues Cosnier fut donc déclaré adjudicataire de la construction du Canal.
Le Tracé du canal de 1604 L’entrée du canal était établie sur la Loire, à Briare, dans
l’embouchure de la Trézée. A cet endroit la rivière devait être élargie à 13.65 mètres sur une profondeur de 1.95 mètres. Le devis prévoyait la construction de quinze écluses. Le canal se continuait ensuite
dans la vallée du Loing jusqu’à Châtillon, pour une pente de 14.62 mètres, compensée par onze écluses. De Châtillon à Montargis, le devis avait prévu la construction de dix huit écluses. Au total
l’entrepreneur devait donc construire quarante sept écluses sur une distance de plus de cinquante sept kilomètres.Si le devis faisait mention de l’écluse à sas c’est-à-dire à deux paires de
portes, il ne comportait rien qui laissait supposer que le canal devait être doté d’une alimentation particulière en eau. Le débit des rivières de la Trézée et du Loing avait paru suffisant et rien avait été
prévu pour assurer l’alimentation du bief de partage. C’est à Hugues Cosnier que devait revenir le mérite de réparer ces erreurs. Les modifications apportées par Cosnier au devis de 1604 Hugues Cosnier chercha à raccourcir le tracé. Le plan de l’entrepreneur consistait à abandonner la vallée de la Trézée au Moulin Neuf pour suivre une vallée
secondaire dans laquelle se trouvaient les étangs de Notre Dame et du Petit Chaloy. Le tracé se développait ensuite dans le bassin du Loing puis descendait jusqu’au Loing par un escalier de sept écluses pour
en longer plus ou moins le cours jusqu’à Montargis. Ce tracé n’avait pas seulement le mérite de diminuer la longueur du canal, il permettait d’utiliser pour l’alimentation en eau plusieurs étangs dont le
plus important est celui de la Grand’Rue. Cosnier prévoyait trente six écluses pour assurer la montée et la descente. L’exécution des travaux Les travaux furent menés
activement et Cosnier eut parfois sur ses chantiers plus de douze mille ouvriers. Mais leur exécution n’alla pas sans de grandes résistances de la part des propriétaires expropriés. Ceux-ci réclamaient des
indemnités exorbitantes et le plus ardent était le duc de Châtillon dont le canal traversait les terres.Au début du XVIème
siècle, le salaire d’un manœuvre était d’environ quinze sous par jour. Mais l’affluence d’un grand nombre d’ouvriers sur les chantiers avait obligé les entrepreneurs à installer des espèces de cantines dans lesquelles les hommes qui n’habitaient pas les villages trouvaient à se restaurer. On eut alors l’idée de payer en partie les ouvriers avec des jetons ou méreaux c’est-à-dire une
monnaie conventionnelle moyennant laquelle on délivrait aux travailleurs la nourriture nécessaire à leur subsistance. LA route de Loire en Seine Hugues Cosnier fut puissamment aidé par Sully. Le ministre avait fait un effort financier considérable, et pour récupérer cette somme des impôts supplémentaires
furent établis sur certaines provinces limitrophes. A une époque où la tension était assez vive entre Cosnier et le duc de Châtillon, il n’hésita pas également à envoyer six mille hommes de troupes qui
protégèrent les ouvrages déjà construits.Henri IV voulut lui-même honorer Cosnier d’une visite. Il se rendit à Montargis à l’automne 1608 en compagnie de la reine et séjourna pendant plus de
trois semaines dans un des châteaux de la ville. Il fut accueilli avec enthousiasme, inspecta les chantiers, encouragea les travailleurs de sa présence et par ses bonnes paroles et intimida les opposants.
L’Abandon de l’entreprise L’ouvrage était donc en bonne voie d’achèvement lorsque le 14 mai 1610, le poignard de Ravaillac vint enlever un bon roi à la France et à Cosnier un puissant
protecteur. Mais Cosnier continuant son œuvre, dépensait toujours beaucoup lorsque Sully se retira. L’entrepreneur perdait alors son dernier appui. Le 30 avril 1611, une ordonnance
signée à Fontainebleau nommait une commission aux fins de « voir et visiter le canal commencé entre Loire et Seine et faire estimer ce qu’il coutera ». Cette commission présidée par J. J de Mesme
Marquis de Rhoissy et conseiller du roi en ses conseils, se rendit sur les lieux, procéda à une minutieuse enquête des travaux effectués et entendit de nombreux témoins. Les experts ne se mirent pas
d’accord. Plusieurs rapports furent donc déposés. Certains étaient assez défavorables. Mais M. de Rhoissy écrivait que « ce serait un grand abus de laisser et abandonner une si louable
entreprise qui présentait un intérêt économique considérable » et il concluait qu’il restait encore quelques dépenses à envisager qui devaient porter à environ 1 170 000 livres le prix de revient total
des travaux. L’entrepreneur n’obtint malheureusement pas gain de cause. En dépit de tous ses efforts les travaux furent interrompus. Pour quel motif ? Des contemporains n’hésitent pas à
en faire porter la responsabilité aux ennemis personnels de Sully qui voulurent ruiner une œuvre susceptible d’illustrer son nom. Il n’est pas inutile non plus de rappeler les ennuis financiers, les guerres,
les troubles civils qui fondirent sur le royaume pendant la régence de Louis XIII. Un arrêt du conseil du roi, en date du 12 juillet 1611 vint liquider la situation financière du canal de
Loire en Seine et il enjoignait en même temps à Cosnier de faire cesser les travaux et de congédier son personnel jusqu’à ce que le roi en décide autrement. Les déboires de Cosnier
L’achèvement du canal de Briare définitivement abandonné, restait donc à régler la situation financière de l’entreprise et à rembourser Hugues Cosnier des avances qu’il avait faites. Il convenait même de
payer les sommes restant dues aux propriétaires des terrains expropriés pour la construction du canal. Par arrêt du conseil, le roi prescrivit à Cosnier de présenter un état récapitulatif des sommes payées
par lui. Le duc de Chatillon dont le canal traversait les terres avait assigné Cosnier en paiement de dommages et intérêts considérables. Hugues Cosnier se trouvait donc créancier de la somme de 10 413
livres qui lui restait due concernant le paiement de ses ouvriers mais encore de plus de 60 000 livres résultant du paiement des indemnités d’expropriation. Un arrêt du conseil du 26 juin 1612 autorisa le
paiement de Cosnier d’un premier acompte de 6 000 livres. Le compte de l’entrepreneur fut enfin visé et approuvé le 5 mai 1621. Mais les choses en restèrent là et Cosnier ne put jamais arriver à se faire
rembourser le solde de sa créance. Tout au plus parvint-il par arrêt du conseil privé du 2 juillet 1621 à se faire maintenir en possession de la seigneurie de Trousse Barrière.
Source : D’après Pierre Pinsseau, Le Canal Henri IV ou canal de Briare, Paris : Office d’édition du livre d’histoire,
1997. |